mercredi 3 novembre 2010

Deux états de la cinéphélie, une même situation.

Samedi soir, je passe par curiosité avec Pascal à la soirée Independencia. Quartier populaire de Paris, population noire africaine, affairée à cette heure tardive, et des dizaines de putes, probablement congolaises, qui traînent par deux, sans un regard pour le passant. A l’intérieur de la soirée, c’est une toute autre tribu de petits blancs, jeunes, à l’allure un peu branchée et à la mèche tombante. Les filles y sont renversantes. On écoute de la pop, on feuillette des livres (la tête de Deleuze en évidence sur les rayons d’une bibliothèque convenablement fournie), c’est une jeunesse aimable, paisible, élancée, avec les guerres pichrocolines qu’elle s’invente dans les étages étroits de la cinéphilie.
Dehors, la migration, le corps des femmes saisi par les griffes de la nuit (Freddy !), les communautés ethniques querelleuses, les affaires petites et louches. Dedans, les enfants de la bourgeoisie européenne, tous semblables et sans histoire.

Session 5 à Beaubourg. Le programme tient en un slogan (un peu long, le slogan) : « 0% art contemporain, 0% sciences humaines, 0% transversalisme - 100% cinéma". Formidable, je souscris. Adieu culture, bonjour art (populaire). Encore mieux : « il s'agit dans l'idéal de poser à chaque fois une question artisanale à un cinéaste français contemporain ». Là, je milite à fond : le cinéma comme un ensemble de techniques et de savoir-faire avant tout. Ca me rappelle les cours de Rohmer que je suivais dans l’enceinte de Paris V. Les quelques auditeurs intéressés s’attendaient à recevoir en pleine poire les piliers d’une belle cathédrale théorique (l’organisation de l’espace dans le Faust de Murnau, pas moins), mais au final, le vieux sphinx montrait des extraits de ses films en commentant les emplacements de caméra : comment il avait été impossible de l’installer à l’intérieur d’une camionnette, pourquoi cet angle de rue avait été âprement négocié avec le boucher du coin, comment respecter la continuité spatiale quand on vous interdit de filmer depuis la chaussée qui fait l’angle… C’était drôle, modeste, limpide, vivifiant. Ca pourrait être cela la session 5 de Beaubourg. Mais voilà, on est à Beaubourg justement. Et puis Bozon est aux manettes. Alors il faut se taper des « interventions spectacles », une « performance »,  un « principe fictionnel » qui « permettra d'intégrer au montage des captures des activités quotidiennes, réactions du public incluses, tout invité se retrouvant, dans la fiction, managé par l'imprésario en question, et donc acteur du film ».
Ouais. Sinistre.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Les cours de M. Schérer, c'était pas plutôt Paris 4 (au ziggouratesque centre Michelet) ?

Sinon, dommage pour la "Saison 5", en effet, mais "un Bozon vaut mieux que deux Télérama"...

les puritains sauvages a dit…

Oui, le centre MIchelet. Je ne me souvenais plus que c'était Paris IV.

Anonyme a dit…

Mais... mais alors, c'était vous, l'autre représentant du genre mâle qui ne dormait pas la joue trempée dans sa bave ???

;)

les puritains sauvages a dit…

Ah, tiens vos commentaires sont vus comme des spams par blogspot. Je "déspamme" celui-ci et laisse les autres en l'état, non ?