mardi 5 octobre 2010

Mon imaginaire est tant formé par les films que j'ai pu voir (et oublier pour la plupart) que le week-end passé sur le littoral méditerranéen m'a laissé l'impression d'évoluer dans une scène d'Angelopoulos. Je n'aime pas Angelopoulos. Cette momie cravatée a fait beaucoup de mal au cinéma d'auteur européen en l'entraînant (avec d'autres) vers la pose et l'amidon. Avec lui, les films sont devenus d'insupportables oeuvres culturelles, vidées d'émotions simples et de surprises. Il est entendu que le cinéma est un art de fantômes, mais je préfère qu'il soit pratiqué par des vivants plutôt que par des goules. Cette pente critique aurait du m'entraîner vers un dégoût des films de Bela Tarr. Or, je crois que c'est le dernier cinéaste pour lequel j'éprouve une franche admiration. J'ai du mal à me l'expliquer mais le fait est que Satantango et Les Harmonies Werckmeister m'ont bouleversé, particulièrement le premier qui m'a laissé stupide et effaré pendant des heures dans les rues de New York. C'est à cause de ses films que j'ai cru pouvoir aimer une fille hongroise qui avait la particularité d'être analyste financière et de pratiquer la sorcellerie. C'est encore à cause de lui que j'ai quitté cette fille pour tomber fou amoureux d'une autre hongroise. Celle-ci voulait vivre sa folie douce dans un roman russe du XIXème tout en poursuivant sa carrière de redoutable avocate d'affaires. C'est avec elle que j'étais allé interviewé Bela Tarr dans un studio de Budapest, alors qu'il mixait L'homme de Londres. Elle l'avait probablement séduit, ce qui m'avait valu d'avoir affaire ce jour-là à une version plutôt affable du cinéaste. Quelques heures après, son assistant l'avait appelée pour qu'elle vienne faire des essais afin de doubler en français le personnage de la fille. Cela n'avait pas donné de résultat. Mariane pouvait admirer des écrivains, mais détestait les cinéastes, et encore plus les comédiens. 
Pourquoi raconter tout cela, qui a déjà été dit ailleurs ? C'est que les films fabriquent autant de souvenirs, d'amitiés et d'amours que ce qu'on croit être le quotidien de nos vies. Ce ne sont pas des objets culturels suspendus dans les airs et qu'on attrape avec gourmandise pour soutenir l'art rancis de la conversation. Il est encore donné à certains d'en retirer d'authentiques sentiments comme des façons de se mouvoir dans la rue, sans que cela passe par une posture de dandy usée comme la corde d'un pendu oublié. 
Dans la chambre que l'on nous avait donné, De Gaulle, dit-on, dormait à chacun de ses séjours. Alma s'y est reposée douze heures d'affilée sans un seul mauvais rêve. Cette enfant a déjà son idée du standing hôtelier.

1 commentaire:

Murielle Joudet a dit…

"Il est encore donné à certains d'en retirer d'authentiques sentiments comme des façons de se mouvoir dans la rue", c'est très beau.

Sinon c'est vrai que c'est nul Angelopoulos.